Élections aux États-Unis : Ohio, Arizona, Pennsylvanie… les batailles à suivre pour le Sénat
Tous les deux ans, un tiers des 100 sièges du Sénat américain sont renouvelés. Le 5 novembre, les électeurs américains choisiront un nouveau président, et dans 17 États, ils renouvelleront aussi leurs sénateurs. L’enjeu est de taille tant le rapport de force politique de la 118e mandature tenait à un fil : 50 sénateurs républicains, 46 sénateurs démocrates, 4 indépendants qui, pour trois d’entre eux ont, jusqu’ici, voté avec les démocrates, et la voix prépondérante de la vice-présidente Kamala Harris, qui peut les départager en cas d’égalité.
Sur les 100 sièges, 38 républicains et 28 démocrates ne sont pas à renouveler. Restent 34 sièges, certains plus exposés que d’autres.
Dans l’Ohio, terre de JD Vance. Le résultat des élections dans l’un des États les plus riches en pétrole du pays va être doublement scruté cette année : le sénateur républicain élu n’est autre que JD Vance, le colistier de Donald Trump, et futur vice-président si le candidat républicain est réélu à la Maison-Blanche. Quant au sortant démocrate, Sherrod Brown, puissant président de la commission bancaire du Sénat, il a pour lui une base forte parmi la classe ouvrière, mais il affronte un républicain imposé par Trump : Bernie Moreno, concessionnaire automobile à la fortune imposante, est arrivé de Colombie à 5 ans et naturalisé Américain à 18. Il a longtemps soutenu l’idée de régulariser des sans-papiers, il est désormais favorable à leur expulsion et la construction d’un mur plus grand encore à la frontière avec le Mexique.
Le thème migratoire est particulièrement porteur dans l’Ohio : la ville de Springfield est devenue le terrain de jeu d’un Trump jouant la frayeur à l’idée de se rendre dans la ville où se sont installés 15 000 Haïtiens ces dernières années. Les réseaux républicains ont multiplié les accusations contre cette diaspora, et Trump a repris à son compte, en meeting, celle consistant à les accuser de voler des chats, des chiens et des oies pour les manger. Allégation réitérée dimanche encore, sur Fox news, pour les oies.
Dans le Montana, un anachronisme à résoudre. Depuis 1968, l’État rural élit systématiquement un président républicain, sauf Bill Clinton en 1992. À trois reprises, en 2006, 2012 et 2018, le sénateur démocrate Jon Tester a défié cette tradition ; son combat pour un quatrième mandat est cette fois plus ardu. L’ancien agriculteur affronte un ex-militaire devenu homme d’affaires, Tim Sheeby, soutenu par Trump. Dans l’État, la croissance la population (+ 21 % en 20 ans) a fait grimper le coût de la vie et surtout les prix des logements et des terres, un argument de poids pour cette terre rurale
En Arizona, une clone de Trump en action. Le départ à la retraite de la sénatrice indépendante Kyrsten Sinema a ouvert la voie en Arizona à un duel entre le progressiste Ruben Gallego et la conservatrice Kari Lake. Celle qui a acquis une renommée nationale à la télévision, comme Trump, ne manque jamais, comme lui, de dénoncer les fraudes électorales dont elle a été victime dans sa course au poste de gouverneur en 2022. Et comme son champion, elle n’a jamais apporté la preuve du fait qu’on lui a « volé son élection ». Lake est aussi une adepte des discours incendiaires contre les migrants et contre Washington, et des attaques personnelles lorsqu’elle est à bout d’arguments. Ainsi ne manque-t-elle jamais de rappeler que le père de Ruben Gallego – qui l’a abandonné lorsqu’il était enfant – a été condamné pour trafic de drogue.
Dans le Michigan, la bataille fait rage. Emblématique des Etats-clé dont le cœur se pare une fois de bleu, une fois de rouge, le Michigan est sur la liste des points chauds depuis que la démocrate Debbie Stabenow a annoncé prendre sa retraite à l’issue de son mandat. Le candidat républicain Mike Rogers, ancien critique de Trump, compte désormais sur la dynamique du tribun pour gagner la partie. Son statut d’analyste de la sécurité nationale pour CNN lui a donné une exposition nationale, il espère devenir le premier républicain à remporter un siège au Sénat du Michigan depuis 30 ans. Face à lui, la représentante démocrate Elissa Slotkin met elle aussi son expérience en matière de sécurité nationale (elle a travaillé pour la CIA et le ministère de la Défense) et compte sur les centristes pour conserver le siège de Stabenow.
Les démocrates espèrent une victoire au Texas. Dans l’immense Texas, le vote républicain domine depuis longtemps, pourtant les démocrates rêvent de faire tomber Ted Cruz. Le sénateur venu du Tea party (extrême droite) brigue un troisième mandat malgré une popularité vacillante. En 2018, le républicain avait gagné d’un cheveu. L‘évolution démographique du Texas pèse en faveur des démocrates : l’État a vu sa population exploser (+ 36,2 % en 20 ans, pour dépasser les 30 millions d’habitants), en particulier dans les zones urbaines plutôt acquises aux démocrates.
Le parti de Biden et Harris a aligné cette fois un avocat des droits civiques, Colin Allred, fils d’une mère célibataire, boursier grâce au sport, au point de devenir joueur dans la prestigieuse NFL. Considéré comme l’élu local le plus « bipartisan » de l’État, Allred défend des positions fermes sur l’immigration mais aussi le rétablissement de l’arrêt Roe v. Wade qui garantissait la liberté d’avortement dans tout le pays.
En Pennsylvanie, la brouille des convictions. Ce swing state est un État pivot du fait des 19 délégués qu’il désigne dans la course à la Maison-Blanche. Pour le Sénat, dont l’élection se fait au suffrage universel direct, l’attention est aussi à son comble en raison du duel qui oppose le sénateur démocrate sortant Bob Casey, 64 ans, figure de la vie politique américaine, au républicain David McCormick, ancien directeur général de l’un des plus grands fonds spéculatifs au monde. Sa femme, Dina Powell McCormick, a été conseillère de Trump à la Maison-Blanche, et a travaillé pour George W. Bush.
Casey, démocrate sur les questions économiques et sociales, se montre conservateur sur les questions de société : il est, de longue date, opposé à l’avortement, au contrôle des armes à feu, et défend la peine de mort. Il pourrait convaincre les plus centristes et les plus indécis. Quant à McCormick, après s’être présenté en soutien indéfectible des « pro vie », il propose aujourd’hui aux Américains de « trouver un terrain d’entente » sur la question de l’avortement.