Des lors, cette « redistribution négative de la puissance » génère aux yeux des américains un dilemme de sécurité qui malheureusement les pousse à afficher des comportements stratégiques destinés à « réduire la décroissance de leur taux différentiel de puissance » vis-à-vis de la Chine.
Dans ce contexte, vu que les Etats-Unis avaient depuis le lendemain de la 2ème Guerre mondiale financé presque seuls le maintien et le fonctionnement du système international, le désengagement international de Washington ne viserait qu’à forcer les autres puissances régionales, notamment celles de l’Union européenne à partager le fardeau du financement des « fournitures de biens publics internationaux » destinés au fonctionnement de ce système.
A ce titre, le recul de l’engagement américain au sein du multilatéralisme onusien et de celui de l’OTAN (que plus d’uns interprètent comme un retour de « l’isolationnisme » américain) n’est inspiré en fait que par le souci de lutter contre les « free-riders » du système international.
Dans le même sens, sachant que certains régimes internationaux consacrés dans des instruments internationaux sont aujourd’hui plus profitables à des puissances rivales qu’aux intérêts américains, le gouvernement Trump s’est-il empressé de les supprimer ou de les modifier conformément à une thèse classique du néoréalisme en Relations internationales.
Autant dire, le retrait de Washington de l’accord de Paris sur l’environnement, sa volonté de renégocier des accords de libre-échanges, y compris avec ces alliés traditionnels comme l’Union européenne, le Canada et le Mexique ou même de limiter son appui traditionnel en faveur de la fourniture de certains biens publics internationaux, tels, la démocratie, les droits de l’homme, l’immigration, l’aide au développement, la sécurité collective, etc., correspondent assurément à cette rationalité exprimée par les thèses néoréalistes invitant la puissance hégémonique à se désengager de toute situation internationale susceptible de provoquer un effet de décroissance sur leurs ressources ou leurs capacités existentielles.
En clair, selon le prof. Boyard, ces retraits de Donald Trump d’un ensemble d’accords ou de régimes internationaux, la réduction de son appui financier à l’OTAN ou aux Nations unies ou sa volonté de sortir de certains accords de libre échange ou de certains régimes commerciaux préférentiels ne seraient que des parades stratégiques visant deux principaux objectifs, l’un politique et l’autre économique.
Du point de vue politique, il s’agirait pour l’Administration Trump de compliquer la situation économico-financière de la Chine, de sorte à compromettre sur le long terme la croissance de celle-ci, afin qu’elle ne puisse plus bénéficier de larges ressources lui permettant de renforcer ses capacités militaires et technologiques, ses alliances et projeter finalement ses forces dans des régions de grande importance géopolitique pour les Etats-Unis en matière notamment de sources d’approvisionnement en hydrocarbure ou en matière première.
Du point de vue économique, le désengagement international de Trump a aussi pour objectif de réduire les dépenses américaines en matière de fournitures de biens publics internationaux, ce qui permettra aux Etats-Unis de rééquilibrer sa balance commercial extérieur et d’accélérer la dynamique de croissance du PIB américain afin que celui-ci puisse mieux rivaliser avec celui de la Chine.
Dans les deux cas, la finalité de ces deux objectifs, conclut le professeur James Boyard, c’est de réduire la décroissance du « taux différentiel de puissance » des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine et d’empêcher qu’une trop grande réduction de l’écart de puissance entre les deux pays ne débouche sur la volonté des chinois de remettre en question le statu quo de l’équilibre des puissances ou de chercher à réformer le système international, en engageant une guerre contre l’Amérique afin de lui succéder au rang de nouvelle puissance hégémonique.